dimanche 23 septembre 2012

O E I L L E T S

C'est ce couloir que tu empruntes si souvent, avec ses poissons rouges amorphes, ses plantes semi-tropicales, ses verrières. C'est ce même couloir mais les perspectives sont décalées, tu n'y reconnais pas les traits, pas les lignes, pas les voix. Des étoffes de divas, une nuque de tomboy, des chairs expansives ou menues, à peine quelques specimens à pomme d'Adam au milieu d'une volière. 

Est-ce qu'elles aussi s'interrogent  sur ce que c'est, au fond, la dimension cachée? L'heure est tapante, précipitée : s'engouffrer dans les sous-sols, pas de dérapage. D'autres silhouettes s'animent : du grain, des clavicules que tu dessines mentalement du doigt, ces cigarettes d'extension et ces pulls trop grands qui laissent basculer les épaules, ces attitudes bravaches. Et pourtant, dans un coin, elle se fait doute et elle rapetisse dans sa brèche, celle qui doit mener la danse : ce contraste-là t'émeut et tu te souvient de tous ces gestes justes, ces envolées saccadées qu'elle imprime sur des corps siens, des incarnations.

Accroupie, elle se permet d'apparaître dans le champ dont elle n'est pourtant pas l'objet,  elle dit que cette fois-là, elle a dû fermer les yeux, pour ne pas être submergée. Elle les scrute tous du coin de l'oeil, mais je m'arrête sur celui qui signe avec ses mains longues du Gershwin, sur celui qui hurle, sur ce qu'ils scandent depuis leur identité propre, avec vigueur. Pina est cette droiture qui interroge toujours à coeur, ce corps de fil qui fume, celle qui cherche la force. J'en garde un peu, pour le jour où.