vendredi 20 juillet 2012

T E S S A

Un matin de cavalcade, dans le 81 entre Levure et la Chasse. L'odalisque rousse en face de toi a le rimmel qui s'auto-tamponne mais les lobes bien dessinés sous ses écouteurs qui diffusent 'Bette Davis Eyes'. Affalée sur son siège, jambes entrouvertes, satin clair, tu ne peux pas discerner que ses rêves sous Rohypnol lui dressent une balançoire dans le verger luxuriant de sa grand-mère restée à Topeca, et des strapontins dans le plus petit cinéma du Kansas. Quinze places à peine, une ouvreuse-projectionniste seulement les mardis soirs. Le reste du temps, un spectateur se dévoue pour choisir et installer la bobine.

Ses paupières tressautent à peine sous les cahots du véhicule. Dans un instant, sans qu'aucun usager du tram ne s'aperçoive de ses divagations, elle visionnera peut-être 'La Nuit américaine' en compagnie de Jim, le pompiste ou décidera pour les quelques avides de plans-séquence du jour de dépoussiérer 'Mon nom est personne.' Il est fort probable qu'elle rate son arrêt, sa destination première. Mais à quoi bon interrompre les voyages qu'on est seul à fomenter? Tessa, quasi figée, savoure là un instant qui s'auto-détruira au réveil.

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